On voudrait voir le plus vieil ancêtre de la bande-dessinée rattaché aux peintures rupestres ou aux bas reliefs et hiéroglyphes des temples égyptiens, aux codex précolombiens ou encore aux "Biblia Pauperum" de la fin du Moyen Âge, mais au détriment d’y voir parfois quelques apparentés, la bande-dessinée, à proprement dit, est apparue bien plus tard.
"Biblia Pauperum"
À cette liste d’ancêtres potentiels il faudrait encore ajouter la Tapisserie de Bayeux, le Rouleau de Josée de la bibliothèque vaticane, les frises du Parthénon à Athènes, la colonne Trajane à Rome, les bas reliefs du temple d'Angkor au Cambodge, sinon les 182 collages de Max Ernst "Une Semaine de Bonté"… et quoi encore ?!
frises du Parthénon à Athènes
Cette vision d'un grand courant artistique qui prétendument parcourerait l’histoire de l’art pour donner ses lettres de noblesse à la bande dessinée est de moins en moins retenue depuis la mise en avant de la "bande dessinée", en tant que "neuvième art"!
"La bande dessinée est un art à la croisée de l’écriture littéraire et de l’écriture graphique"
C’est la vision de l’inventeur de la bande dessinée Rodolphe Töpffer : « Ce petit livre est d’une nature mixte. Il se compose de dessins autographiés au trait. Chacun des dessins est accompagné d'une ou deux lignes de texte. Les dessins, sans le texte, n’auraient qu’une signification obscure ; le texte, sans les dessins, ne signifierait rien. Le tout ensemble forme une sorte de roman d’autant plus original qu’il ne ressemble pas mieux à un roman qu’à autre chose. »
Ce que R. Töpffer appellera "Littérature en estampes" dans son « Essai de Physiognomonie » et que Will Eisner dénommait : "Sequential Art", ou "Visual Narrative", donc en somme la BD c’est de la "Narration visuelle".
page réalisée par Rodolphe Töpffer
Comme l’expliquera plus tard Walter Boralis, grand spécialiste de l’histoire du livre et de l’édition des imagiers : « ces références artistiques ont toutes en commun la volonté de raconter une histoire. La bande dessinée se sert du dessin, de l’illustration, de tout ce qui est du domaine des arts graphiques pour parvenir à raconter une histoire ; c'est-à-dire un peu comme le fera le cinéma, raconter une histoire à l’aide d’images, de textes, de dialogue et d’effets spéciaux… »
Si la bande dessinée n'est que graphique regroupant texte et dessin, le texte doit s’inscrire obligatoirement sous une forme graphique dans le dessin au sein d’une bulle : selon H. Filippini, « la bande dessinée est une suite de dessins contant une histoire ; les personnages s’y expriment par des textes inscrits dans des bulles. »
Cette définition rejette les auteurs de bandes dessinées appelées alors "histoires en images" comme les Français J-P. Pinchon (Bécassine), Louis Forton (Les Pieds nickelés et Bibi Fricotin), le Néerlandais Marten Toonder (Tom Poes/Tom Pouce), les Américains Rudolph Dirks (Katzenjammer Kids/Pim Pam Poum) et Gustave Verbeek (Upside-downs/Sans dessus-dessous). Cette définition rejette aussi, peut être moins catégoriquement, les bandes dessinées sans texte comme celles de l'Américain Otto Soglow (Little King/Le Petit Roi) qui en 1975 ne comportaient toujours pas de texte.
Les spécialistes de la bande dessinée défendent avec de moins en moins de vigueur cette deuxième vision restrictive de la bande dessinée, même H. Filippini intègre tous les auteurs cités ci-dessus dans son Dictionnaire de la bande dessinée (cf. bibliographie). La définition donnée par W. Boralis semble la plus exacte puisque comme pour le cinéma, qui inclue le muet, le parlant, le noir et blanc ou le couleur, etc… La bande-dessinée englobe tous les genres de BDs.
Depuis les premiers balbutiements de la BD, il y a eu autant de mépris que d’admiration pour cette nouvelle forme d’art ; cette sous catégorie de l’art, dessins grotesques, art de second ordre, la « BD » est maintenant considérée comme un genre à part entière au sein de l’univers de l'art contemporain.
La popularité de la BD commence avec des albums illustrés en Europe (en France, Suisse, Allemagne et Italie) et en Amérique avec les « comic strips ». La BD abordera tous les genres : humour, SF, horreur, sentimental, etc… Et enfin, de plus en plus d’artistes s’intéresseront à la BD et vice et versa… Et les bédéistes réaliseront de plus en plus d’œuvres soignées sur le plan uniquement esthétique. De fait, de plus en plus de bédéistes ne se préoccuperont plus vraiment de raconter à tout prix « une histoire » mais réaliseront des œuvres résultantes d’une démarche artistique.
Conséquemment, la BD devient un art, et à mesure que nous en avons fait un art respecté et reconnu, aussitôt les intéressés se sont retourné vers les sources, sont remonté aux racines et on revisité l’œuvres des pionniers.
À ses premières heures la BD a connue de véritables maitres, des innovateurs sur le plan du dessin, de l’illustration, de la mise en page, du scénario, de la mise en scène, de l’art du punch… Des idées qui ont inspiré, à leur époque, autant de comédiens, d’humoristes, de scénaristes… On remarque alors aussi, la considérable influence qu’a pu avoir la BD sur d’autre forme d’art, sur le cinéma, la radio, la télé, le spectacle… On remarque encore que la BD est intimement lié à la pensée, à l’humour, à la morale, et plusieurs autres aspects psycho-social ; car la BD est une amie du public, son complice, l’écho de sa pensée, ou une invitation à réfléchir… Cela peut même être un moyen de glisser des promos ou des idéologies à la douce, en catimini, en visant un public cible.
Il faut sans doute chercher les racines de la BD déviante, et underground du côté des illustrations et BD trouvés dans les magazines de pornographie, qui sont trop peu mentionnés, certainement consommés en secret à leur époque (et souvent des dessins anonymes), mais certainement une source d'inspiration importante pour les bédéistes versé dans la grivoiserie...
Il faut sans doute chercher les racines de la BD déviante, et underground du côté des illustrations et BD trouvés dans les magazines de pornographie, qui sont trop peu mentionnés, certainement consommés en secret à leur époque (et souvent des dessins anonymes), mais certainement une source d'inspiration importante pour les bédéistes versé dans la grivoiserie...
En vérité, une véritable initiation à la Bande-dessinée réclame un plongeon dans l’univers des bédéistes des premières heures. Les pionniers de la bande-dessinées se partage un univers débordant d’idées, ils ouvrent les portes sur de multiples nouveaux univers, et ils n’en soupçonnent pas encore toutes les avenues, mais ils sont les premiers grands défricheurs et leur talent, leur inventivité débordante surprend, étonne, fascine, et impose respect.
À LA RENCONTRE DES PIONNIERS DE LA BD...
Rodolphe Töpffer artiste suisse né à Genève en 1799 et mort dans cette même ville en 1846, était pédagogue, écrivain, politicien et auteur de bande dessinée. Töpffe est considéré comme le créateur et le premier théoricien de la bande-dessinée.
Selon W. Boralis, Töpffer s’inspira des dessins satiriques de William Hogarth, de l’art des caricatures de la renaissance italienne et des images d’Épinal. Toujours selon Boralis, Töpffer serait le premier dessinateur qui se préoccupa de raconter des histoires avec ses dessins en se souciant peu de savoir si cela était de l’art. Töpffer, tout comme William Hogarth qu’il admirait, cherchait surtout à faire des critiques satiriques ou illustrer des scènes cocasses...
Tout de même, l'histoire de la bande dessinée s’amorce avec l’œuvre de Töpffer, et il est le grand coupable de la saga de la bande dessinée américaine et de ses fameux "comics". Cette histoire là commence en 1842 avec la traduction d'une œuvre de Töpffer : "The Adventures of Obadiah Oldbuck". (pour voir l'original, cliquez sur le titre).
Des artistes locaux s'emparent par la suite de ce nouveau média et créent les premières bandes dessinées américaines. La fièvre du « comics » déferlera sur toute l’Amérique, et se fera des adeptes partout...
C'est le développement de la presse quotidienne qui permet à celle-ci de toucher un lectorat important avec les comic strips.
En France, En 1905, les éditions Henri Gautier, devenues Gautier-Languereau, présentent "La Semaine de Suzette", où débuta la bretonne "Bécassine" sous le crayon de Joseph Pinchon, et qui disparaîtra en 1960.
En 1903, les frères frères Charles, Georges, Maurice, Nathan et Villefranche Offenstadt, éditeurs de romans égrillards et de revues militaires, avaient commencé à publier « L'Illustré”, vendu cinq centimes, à l'époque. Le journal prendra le nom de : "Le Petit Illustré", en 1906, et publiera de plus en plus de bande-dessinée. Entraînés par le succès de ce dernier hebdomadaire, les Offenstadt créent plusieurs autres journaux pour la jeunesse, dont le plus connu fut "L'Épatant", sortit dès 1908, journal qui proposait, entre autres, les aventures des "Pieds Nickelés" de Louis Forton, déjà présentes lors du deuxième numéro.
Ces premières années sont celles de la mise en place de codes canoniques de la bande dessinée (personnage récurrent, héros, cadrages, bulles, onomatopées, etc.) et des premiers genres (comics, family strips, récits d'aventures).
Il semble que la première bande dessinée ayant fait usage de "bulles" soit "Little Nemo" de Winsor McCay, qui se serait inspiré des phylactères (moyen graphique semblable à une petite banderole, sur laquelle se déploient les paroles prononcées par le personnage que l’on représente).
Les bulles apparaissent du côté de la BD française avec les aventures de "Sam et Sap" dessinées par Rose Candide, en 1908 et seront presque aussitôt utilisées par Louis Forton pour sa série Les Pieds Nickelés.
Les bulles apparaissent du côté de la BD française avec les aventures de "Sam et Sap" dessinées par Rose Candide, en 1908 et seront presque aussitôt utilisées par Louis Forton pour sa série Les Pieds Nickelés.
Après la 1ère guerre, la bande dessinée et les comics gagnent en popularité. Cette forme d’art populaire rejoint les jeunes comme les vieux. Son public s’élargit, car elle en devient de plus en plus complice et aussi s’adonne à de plus en plus de genres différents. Mais encore... L’univers de la BD propose de s’attacher à des personnages sympathiques, et certains feront pratiquement partit du quotidien. Des personnages des comics acquerront une célébrité nationale et feront l'objet d'adaptation trans-médiatiques (dessins-animés, théatre, cinéma…) tandis que les journaux se livrent un combat féroce pour avoir les auteurs les plus populaires.
La seconde évolution majeure est celle du comic book, en 1934, qui permet la diffusion de bande dessinée (d'abord des rééditions de comic strips) dans des supports dédiés. En 1938, lorsque "Superman" apparaît dans un de ces comic books, commence ce qui est appelé communément l'« âge d'or des comics ». Durant les années de la 2ème guerre, les super-héros et le genre animalier sont les genres les plus populaires.
Suite au déclin des super-héros, de nouveaux genres se développent (western, romance, science-fiction, etc.) et touchent un lectorat toujours plus important. Au début des années 1950, avec l'émergence de la télévision, la vente de comic books commence à décliner. Parallèlement, ils subissent de nombreuses attaques quant à leur prétendue nocivité pour la jeunesse. L'instauration de la "Comics Code Authority" fait disparaître certaines séries policières et d'horreur incriminées. Les comic strips ne sont pas visés par ces attaques, de même que les magazines.
En Amérique c’est la nouvelle vague, avec des nouveaux créateurs comme Fred Neher, Roy Crane, Edgar P. Jacobs, George Lichty, Chon Day, Basil Wolverton, Alex Raymond ou Rob-Vel...
Du côté du dessin animé c’est l’époque glorieuse de Tex Avery. En Europe, ce sera "Tintin" de Hergé. Unique, incomparable, incontournable...
"Willy-Yum" de Fred Neher
Du côté du dessin animé c’est l’époque glorieuse de Tex Avery. En Europe, ce sera "Tintin" de Hergé. Unique, incomparable, incontournable...
En Amérique, les générations de nouveaux talents se succèderont en renouvelant toujours les idées, en allant toujours plus loin, sur tout les plans, quelque soit les genres. L’humour se fera de plus en plus sulfureuse, la SF se fera plus éloquente, avec des illustrations d’avantage psychédélique ou suggestive, la BD fantastique osera toutes sortes de transgressions, et se surpassera dans tous les domaines de l’horreur, et enfin les héros de la BD prendrons de plus en plus des personnages ayant d’avantage de profondeur, capable de scène dramatique, comiques ou d’action… De fait, plus que jamais auparavant, la BD inspire le cinéma et le cinéma nourrit l’imagination des bédéistes. C’est l’époque des Jerry Siegel, Martin Nodell, Bob Kane, Harry Lampert, Jack Kirby, Will Eisner, Irwin Caplan ! La BD devient une lecture absolument populaire après la 2ème guerre, et dorénavant les éditeurs traiteront les bédéistes au même titre que n’importe lequel auteur.
"Batman" par Bob Kane
En Amérique, le grand tournant d’après guerre s’opère avec des maitres incontournables comme William Elder, Charles Schulz, Harvey Kurtzman, Wally Wood...
Harvey Kurtzman, dans le magasine "Mad"
En Europe, plus précisément en France, la nouvelle vague est amorcé par Morris, Jean Graton, et Franquin. Suivront Uderzo, Peyo et compagnie...
La BD Underground nait avec les mouvements contestataires des années ’50, le mouvement hippie des années ’60, et connait une véritable explosion à partir de mai 68. Aux États-Unis, c’est Georges Herriman et Robert Crumb qui ouvrent le bal... En Europe, l’underground de la BD nait dans le journal Hara-Kiri et l'Hebdo Hara-Kiri.
Aujourd'hui plusieurs nouveaux artistes, illustrateurs, bédéistes graphistes, de tous les horizons, se savent redevables des bédéistes qui les ont précédés, ces pionniers, défricheurs et instigateurs du "9ème art"... L'histoire de la BD suit son court et toujours plus elle sait honorer ses racines et reconnaitre ses maîtres.
LISTES DES PIONNIERS DE LA "BD"
(liste à consulter)
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