BD DE L'ÉTÉ : "COME PRIMA"

COME PRIMA

Auteur : Alfred

Éditeur : Delcourt

Été 1958. Deux frères brouillés prennent la route vers l'Italie, pour rendre un dernier hommage à leur père décédé. Un long chemin empli de tension. Règlement de comptes ou réconciliation en vue ? Un roman graphique construit sur des surprises successives, riche de scènes magnifiques.

Ivres de souvenirs, les personnages de cet album et le lecteur voguent dans un rêve éveillé, où la recherche de l'autre prend la forme d'une découverte de soi.

Entre road-movie heurté et hommage au cinéma italien des années 60, « Come Prima » relate les retrouvailles de deux frères, Fabio et Giovanni : l'un, ancienne chemise noire, fuit une famille qui ne le comprend pas ; tandis que l'autre tente de le ramener chez eux, par respect pour un père décédé.

Et si le voyage commence mal, les deux frères vidant leur bile à tour de rôle, les affres de ce périple fauché favorise une forme de solidarité retrouvée. Sans compter les révélations que Giovanni s’apprête à faire à son aîné...

Les premières scènes de Come Prima cachent bien les rebondissements à venir. La relation explosive entre ces frangins brouillés semble scellée dans le béton. Et les caractères intangibles. Cette longue route de la France à l’Italie ne va pas seulement revitaliser une fraternité tremblante. Elle apporte son lot de rencontres marquantes et de conversations libératrices. Et les secrets révélés de part et d’autre dans la petite voiture du papa vont mener à une nouvelle vision des choses que le lecteur ressent d’autant mieux que le récit revient régulièrement à un passé doux-amer par des flash-back en images surexposées, lumineuses et nostalgiques.

Dans ce très bel album de plus de 200 pages, le scénariste-dessinateur nous emmène donc de l'autre coté des Alpes... Sans surprise, le voyage est l'occasion pour les deux protagonistes de se révéler l'un à l'autre, comme de dévoiler au lecteur quelques surprises cachées du scénario. Alfred parvient à maîtriser la familiarité qui se reconstruit entre Fabio et Giovanni, insérant dans la balade des pointes d'humour léger et sans prétention. Une manière d'éviter absolument le pathos et le sentimentalisme, parfaitement absents de son récit. Pas d'effet facile, donc, et au contraire sur le plan visuel un beau contraste en aplats de couleur pour les flashbacks dans l'enfance des deux héros. L'album est parsemé de très belles pages muettes d'une remarquable sobriété, respirations offertes au lecteur par un auteur absolument sincère dans son approche. Une histoire simple et touchante, dont on ne décroche pas.

Outre un art de la révélation qui donne du ressort à l’album, Alfred a réalisé, avec l’aide aux couleurs de Maxime Derouen, de superbes scènes qui marquent par des ambiances splendides : ici un tête-à-tête au milieu des draps blancs qui sèchent, gonflés par le vent, là une pause de nuit dans une orangeraie, ou encore l’accident de voiture sous la pluie, dans un ciel indigo qui donne à la nuit une beauté surréaliste.

« Come Prima » s’inscrit dans la meilleure tradition des road movies rédempteurs, tout en proposant une trame familiale dont la violence apparente débouche sur une superbe finale : Où la notion de fraternité prend une force humaniste universelle.

Alfred est désormais un auteur qui compte tant pour le volume de sa production, que pour l'exigence de son travail. Que ce soit dans les pages de Spirou ou comme ici dans un roman graphique tout à fait adulte, il s'exprime avec une personnalité toujours renouvelée, et maîtrise parfaitement les changements de ton entre deux projets. Comme un réalisateur de cinéma qui jonglerait entre les styles, changeant d'approche à chaque projet, et laissant sa patte apparaître néanmoins.

Dans « Come Prima », d'un trait lumineux, Alfred emmène son lecteur sur des sentiers inattendus, creuse un passé douloureux, des névroses installées. Oscillant constamment – et gracieusement – entre rires et larmes. 

Cet album s’avère un incontournable, et une lecture parfaite pour la saison estival!